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Les mains dans le sable
15 mai 2007

Et pourtant

Mon rejet de lui continue, et s'intensifie. Parce que je pense toujours au fait que je vais le croiser, ou non, dans cet appartement qui est le notre. Parce que s'il y est absent je sens mon espace revenir mais avec son ombre à lui toujours posée sur un coin de l'horloge. Parce que l'autre soir, j'ai voulu sortir de ma chambre et que le bruit d'une porte m'a fait sursauter et refermer la porte. C'était juste ma colocataire qui sortait. Parce que l'autre jour assise à côté de lui dans le RER je sentais cette crème qu'il met sur ses mains sèches depuis deux semaines et que de la sentir dorénavant me donne envie de vomir. Parce que plus aucune affection, ni inquiétude, ni attachement ne me lient à lui pour voiler un peu cette sensation d'étouffement.

D'une certaine manière, il a gagné.

(Et pourtant...)

Mon rejet de lui me violente, parce qu'il me surprend. Peut être que s'il ne m'avait pas menti, pas fait croire qu'il y avait un danger quand il n'y en avait plus j'aurais senti au fond de moi (je venais d'écrire Moins) qu'un peu de lien pouvait revenir - et avec lui la tolérance, ou au moins la paix. Peut être que s'il n'y avait pas eu le jeu et la frustration de son corps envers le mien je ne réinterprêterais pas cette main qu'il tenait fort contre ma nuque le soir de son délire comme une menace. Parce que quelque part, au fond de moi, je ne crois pas à son ignorance. Il sent tout cela, il le sent c'est sûr. Sinon ses remarques n'auraient pas déviées vers les autres, m'évitant soigneusement. Il sait ce qu'il fait. Il a une toute puissance, et n'a jamais été aussi aveugle et peu à l'écoute des autres qu'en ce moment.
Ma peur de lui s'accentue sans être dans le choc des premiers jours. Mais d'une certaine manière, il a gagné.
Parce que j'écoute, quand il est là, s'il ouvre sa porte ou la referme. Parce que j'écoute, le soir, s'il sort sur le balcon qui passe devant ma chambre et la sienne. Que de sa position fétiche il regarde dans mon sens, vers mon lit, vers mon lieu protégé le soir dans lequel maintenant seule l'illusion du volet baissé me fais croire que je suis à distance. Il est trop près, d'une manière générale il est trop près. Et je viens d'écrire trop prêt....

Je suis en train de le haïr parce que mon corps qui m'apelle enfin pour la première fois ne peut se mettre à nu s'il est là. Parce que retrouver cet effort d'avant, de faire semblant, de laisser là l'enveloppe et de cacher à l'intérieur l'âme me met terriblement en colère. Et je crois qu'il le sait. Je crois qu'il le domine. Mais c'est peut être lui donner trop de pouvoir. Pourtant depuis plusieurs jours et semaines, je me sens en rejet des autres hommes qui m'entourent. Tout ceux qui m'étaient proches, et qui sont finalement eux aussi à leur manière d'anciens désirants. L'agacement et le rejet diffèrent et ils n'ont pas tous à mes yeux la même violence mais mes sentiments sont bien là : Je suis, en ce moment, en train de mépriser ces hommes, et à travers eux les hommes.

(Et pourtant...)

Et cette distance vitale que je ressens me rapelle un autre moment de ma vie: j'avais dix neuf ans et je faisais une deuxième dépression, la plus violente, je me faisais perdre mes repères, perdre la notion des objets, de la valeur des objets. Je me faisais l'impossibilité de me nourrir, pour la première fois j'avais peur de ce pouvoir de volonté de se nourrir ou non. Pendant ces qq mois je n'ai pu revoir personne sauf une, mais là n'est pas l'important. Le fil c'est qu'au moment où je reprenais doucement la marche des autres - la rentrée étudiante, n'être, heureusement, entourée que de gens qui ne me connaissaient pas et me prenaient vierge - j'ai mis encore plusieurs autres mois à revoir les garçons que j'avais auparavant dans mon entourage. Les filles j'ai cessé de couper les ponts mais les garçons c'était impossible, quelque chose me dégoutait, me bloquait, m'étouffait. Mais j'étais encore trop gentille à l'époque pour comprendre que je les méprisais.

Et pourtant...

Et pourtant j'ai fait ce rêve dimanche soir, j'étais un homme, un homme fin, brun les cheveux courts et une barbe de quelques jours, j'étais en tenue de boxe, dans un appartement boisé et chaud où une sorte de ring de fortune était installé, quelques personnes regardaient la fin de mon match contre cet autre homme - qui devait sans nul doute être mon colocataire... - je ne voyais pas bien ces gens car de grande bouffées de soleil nappaient la pièce à travers deux grandes fenêtres à côté de nous. Le match s'achève avec de la poussière qui vole, de la sueur et une chaleur agréable, c'est l'été mais c'est la fin de la journée, les gens sortent de l'appartement, j'y reste seul et essaie de voir le score, je ne distingue qu'un nombre sur les deux et ne sais pas si j'ai gagné ou perdu. Puis rentre une femme, une femme que je trouve belle mais animée d'une force contre moi, et en effet elle vient vers moi et me poignarde. je me retrouve au sol et à ses côtés, moi, un autre moi, à l'identique, brun, cheveux courts, tenue de boxe, il me regarde et reste là, avec elle. La femme s'éloigne de moi et va vers une des fenêtres, puissante, le soleil l'éblouissant, elle a comme un geste d'ouvrir les bras, comme une liberté acquise.
J'ai d'abord cru que l'autre homme était mon jumeau, mais c'était en fait mon double. Et cette jeune femme brune aux cheveux long c'était moi aussi, et je tuais une partie de moi même, je mourais d'un côté et étais toujours vivante de l'autre. Le même soir, j'ai rêvé que j'étais alliée avec plusieurs hommes et que nous devions absolument ramper dans un tunnel étroit, terreux et couvert de planches, que j'avais peur mais que je me persuadais que j'avais la place de passer, même si c'était serré, même si j'avais peu d'air. Je crois qu'à la fin, j'étais seule à arriver au bout et à me mettre debout.

Qu'il le veuille ou non il y a des combats que je gagne.

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Commentaires
P
mon Dieu! quel beau texte...
Les mains dans le sable
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