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Les mains dans le sable
14 décembre 2007

Fragments et formes

8/12

Deuxième trauma intérieur du weekend - à peine une esquisse, dedans un tremblement de terre. Pour la première fois les larmes ont dressé un mur entre lui et moi. J'ai senti comme une attaque violente, comme des coups à l'âme et au corps, une fissure profonde. Je n'ai pas peur de lui, je n'ai pas mal de lui, j'ai mal à l'intérieur. J'ai peur. Je suis une boule de colère devant mon incompréhension.

alfred_kubin

11/12

Tenir la honte et le secret. Plus j'avance, plus les mots sont lourds à nommer, les symboles laissent une trace immense. Enfant, j'ai voulu, désiré, etre garçon. Peut être pour plaire à ma mère au milieu de ma géméllité, peut etre parce qu'elle a pleuré quand elle a su qu'elle avait deux filles (et non pas un enfant de chaque sexe). Peut etre pour etre une face à ma soeur, etre autre. L'adolescence est venue, le sexe n'a pas poussé, rien de masculin n'est apparu. Juste mon incertitude d'être, de me définir face aux autres, juste ma transparence et mon corps qui devenait celui d'une jeune fille alors qu'on m'appelait encore, souvent, jeune homme, à cause d'une sorte d'androgynie jamais assumée. J'ai donc décidé, sans m'en rendre compte, que je n'aurai pas de sexe, ni homme, ni femme. Les garçons qui m'attiraient étaient mes doubles, des hommes qui n'étaient pas sûrs de leur sexualité, ou pas prêts, ou en recherche de confiance. Ces doubles qui étaient peut être aussi une forme de mon père, homme que j'ai toujours vu comme assexué, comme absent (absent à la maison, absent dans sa virilité, dans sa sensualité, dans son couple, dans sa parole).

Puis depuis quelques mois, il y a ce garçon en face de moi. Ce garçon que j'aurais pu quitter, comme les autres, et qui est resté inlassablement à côté, apprivoiser sans retenir, dire je t'aime sans demander, et moi, reconnaissante dans mes vides, dépendante volontaire, inquiétudes de nos petites morts, portes qui s'ouvrent. Un lac face à un ouragan. Une montagne, même.
Une porte est prête à s'ouvrir sur mon corps de femme (et moi je me sens dépassée, acculée, piégée). Depuis plusieurs semaines j'ai l'impression étrange de me trahir, une persistance. J'avais peur de trahir un autre objet possible de mon (mes) amour(s) (les femmes). Et je comprends que je pensais trahir mon propre corps, mon cops hybride, mon corps qui ne veut pas être femme, mon corps que j'ai interdit de s'aimer et de se voir. Elle me parle de l'effet miroir, elle me parle du renoncement, d'accepter le renoncement à ce corps intérieur qui n'est pas le mien. Et je suis devant l'image immense et fantasmée de mon enfance et je m'y cogne, j'ai presque honte de cette complexité, j'ai comme une envie de détourner les yeux. J'entend ces mots, je ne me sens pas prête à les prendre mais d'autres mots vécus s'y accrochent et me bousculent le corps en prenant leur sens

infirme - garçon manqué - ne pas me sentir entière - impuissance - interruption

12/12

Samedi matin. le corps à corps était tendre et embrumé. Puis un coup au coeur, encore. Et une envie irrépréssible de vomir, me faire violence, me retenir, avoir terriblement honte qu'il le ressente, l'obscurité me protège, j'aimerais disparaître, je m'excuse, il ne saisit pas, il me parle, je ne pense plus qu'à une chose, contrôler ces hauts-le-coeur, qu'il sorte de la chambre, que je puisse me calmer. Il est en retard, il part dans la salle de bain. Et moi j'aimerais pleurer mais je ne peux pas, je dois me lever, rester debout, les mains sur mon ventre, la respiration saccadée, je suis sous le choc, et dans ma tête je me désespère, je me dit que c'est grave, je me dis que je n'y arriverai jamais, j'ai la douleur pessimiste.
Et cette nuit, je repense à ce moment, et je songe à la dernière (et première) fois que j'ai vécu ce dégoût violent, il y a 6 ans. Et je réalise, soudain, ce que je n'avais pas replacé dans sa chronologie. Que cette première fois humiliante et choquante, cette phobie soudaine, je me souviens de ce qui en a suivi (directement ou indirectement); une dépression, pendant trois mois, une rutpure avec lui, une distance viscérale et incontrolable avec les garçons de mon entourage à la fin de ces trois mois, le long cheminement pour revenir vers eux (que je n'atteindrai plus vraiment jusqu'à mon retour sur Paris), puis ces deux femmes que j'ai aimé, éperduement, douloureusement, idéalement. Ce jour là, il y a six ans, s'enclenchait ma fuite profonde du corps, du mien, du leur, un isolement choisi, et des murs, beaucoup de murs.

(...)

kubin150    kubin

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Commentaires
L
Un merci sincère. Sincère.<br /> Luttes étranges que celles qu'on ne veut pas faire - et qui nous font.<br /> Pensées en partage, J...
J
mon dieu c'est tellement "violent", fort ce que tu écris, dit de toi...tellement...ça me prends à la gorge...ce travail que tu fais démolir, reconstruire, fouiller, chercher...je ne trouves pas les mots pour te dire combien je suis touchée par ce que tu es, ce combat que tu mènes pour exister, et gouter à ta part de bonheur...<br /> <br /> mes pensées t'accompagnent ce soir...<br /> <br /> :-)
Les mains dans le sable
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