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Les mains dans le sable
10 mai 2007

En tirant le fil un peu encore (jusqu'où?)

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Les pointillés sont doux et éparses depuis quelques jours. Après la violence de la semaine passée, j'en suis parfois encore à chercher ma révolution, mais la patience me fait signe de ne plus courir. De moins me cogner.
C'est étrange comme la fatigue me sert parfois d'écran. A défaut de toujours entendre ce que mon corps a à me dire, je le force parfois à me l'imposer.
La semaine dernière a été comme un duel amoureux entre mon corps et moi. Une lutte pour aggriper quelque chose, je ne savais plus très bien. Tous les jours cette envie de vomir, jusqu'au jour des mots, celui tant attendu, celui qui devait suivre le lundi. Fébrilement, avec angoisse même tant je me sais capable d'esquiver, je tenais fort ce fil déroulé en début de semaine : un peu superstisieuse, un peu inquiète, j'avais la peur terrible qu'il m'échappe des doigts et ne se transforme non pas en éclat, mais en une minuscule vague, de celles qui me réveillent à peine, me bercent au contraire, me mentent doucement. C'est bien cela, quand on est bercé enfant; ce n'est pas une vérité que l'on nous donne, c'est juste de quoi rassurer la peur, juste de quoi la faire partir. Mais ce n'est jamais la promesse que ça ne va pas revenir. Mais un parent sait-il faire cela?
Me voilà rentrant dans cette pièce que j'avais effleurée des doigts, la peur de perdre le fil m'a fait enchainer les phrases, les mots, malgré la confusion, malgré le doute je tenais bon, je me disais que je ne devais plus me laisser tomber, que je n'avais plus droit de ne pas me prendre au sérieux, plus le droit de ne pas écouter la douleur. Peut être que pour la première fois je décidais de me foutre de ce qu'elle allait penser. Et juste parler.
J'ai cru que j'allais craquer ce jour là, que c'était le but, qu'il allait falloir que j'accepte de fendre le verre et de laisser couler toute la fragilité hors du bocal. Et curieusement le contraire s'est produit. Pas de larmes - et ce depuis au moins deux mois - pas de révélation, d'aveu de la petite fille, pas de fantome ressorti du ventre, juste la détermination, juste l'instinct, juste l'écoute. Dire je suis là, dire je ne me tairai plus, dire je suis en colère sans dire j'ai tort ou sans dire c'est mal ou sans dire à quoi bon. Et je comprend, maintenant. C'était ma façon, peut être, d'accepter qu'il n'y aurait pas de consolation, toujours pas, et plus jamais celle qui a manqué. Que je devais accepter la compréhension comme une consolation d'adulte. Même si au fond de moi je sais qu'il y aura d'autres vents de panique où le besoin de consolation sera plus déchirant que le reste. Mais cette fois, et sans que je l'attende, j'ai trouvé d'autres réponses que celles que je cherchais.

Je suis repartie sans l'envie de vomir, je marchais vite et fort dans la rue, dans le métro, je n'avais qu'une idée en tête c'était de me retrouver chez moi, j'étais vidée mais j'avais comme une rage calme, comme une force qui me faisait avancer coute que coute alors que mon corps, lui, ne tenait plus. J'ai senti le regard des gens sur moi, beaucoup de regards, des visages intrigués, ou touchés, je ne sais pas, mais il se passait quelque chose. Peut être qu'ils me voyaient pour la première fois telle que je me voyais pour la première, toute première fois.
Je suis arrivée chez moi, je n'avais qu'une envie c'était celle de l'eau, je me suis mise nue, je ne pensais plus qu'à ça, j'étais seule chez moi et tout était plus calme et plus vulnérable à la fois, comme si je me sentais partir comme si j'allais me briser mais que je savais que je n'avais plus peur, que cette fois ci ça ne me ferai plus mal. J'ai fais couler l'eau chaude sur mon visage, sur mon cou, sur mes cheveux et j'étais agenouillée dans mon bain, et l'eau coulait sans discontinuer, j'avais des frissons et l'eau chaude qui coulait sur mes paupières fermées, et petit à petit la baignoire s'est remplie, et petit à petit je me suis coulée dans l'eau et l'eau m'enveloppait, et je ne pensais plus à rien, et je ne me souvenais plus de rien de ce que j'avais dit, juste cette impression qu'il fallait juste que je tienne jusqu'au lendemain. Au fond de moi je sentais que le lendemain quelque chose de définitif se serait débloqué. Je crois que mon corps l'avait compris mais pas mes pensées - ou l'inverse, l'inverse...
Je me suis allongée sur mon lit, blottie sous les couvertures, et mon ventre a recommencé à me faire mal, je n'ai pas pu manger de toute la journée, le soir il me brulait, il me brulait et me parlait, je m'excusais avec douceur, je lui disais je ne peux pas faire autrement aujourd'hui, c'est un jour spécial, je ne peux pas m'arrêter maintenant, il faut que tu m'aides, il faut que j'aille au bout, je suis désolée de te faire du mal, fais moi confiance... J'avais si peur à l'idée de rester seule, si peur, je me disais que je donnerais n'importe quoi pour qu'on ne me laisse pas comme ça, si fragile, si faible, mais je savais que je ne pouvais plus exiger cela. Et dans ces sentiments contraires il y a eu quelque chose. Il y a eu ce moment, naïf autant que lucide, ce moment où je sentais mon corps comme je l'ai toujours senti, avec ses imperfections, avec ses défauts, avec cette impression d'inachevée, de ne pas être comme les autres, et de penser que cela se voit. Et pour la première fois de ma vie j'entendai mon corps différemment, et je me suis posé la question 'Et si tu te regardes, objectivement, à quoi tu ressembles? A quoi tu ressembles vraiment?' Et j'ai fermé les yeux, et je me suis regardé. J'ai regardé mes mains, mes jambes, mon visage, mon cou, la courbe de mon menton, j'ai regardé les traits. J'ai vu une jeune femme. Une jeune femme nue, fatiguée, et calme. J'ai regardé mes formes, j'ai regardé ma féminité et j'ai vu qu'elle était là et qu'elle ne m'était pas interdite. J'ai senti qu'après les brulures dans le ventre il y aurait de la plénitude, une certaine forme de plénitude.
Le lendemain soir, je me suis retournée, et j'ai réalisé qu'il n'y avait plus la petite fille. Je sens toujours sa petite voix, je sais que ce n'est pas si simple, je sais qu'il y a toujours des petites peurs, comme cette impression tenace que je n'ai pas encore le courage d'accepter d'avancer seule. Mais ce sentiment de peur fugace qui flottait sur tout autour a disparu, n'est plus qu'une petite ombre qui, un jour, je l'espère, disparaitra à son tour.

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Commentaires
O
;))
P
le fil rouge ! (c'était plus fort que moi, fallait que je l'écrive...)
Les mains dans le sable
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